Le Tribunal Suprême

Procédure

L’Ordonnance Souveraine n o 2.984 du 16 avril 1963 fixe les règles de la procédure devant le tribunal suprême. Celles-ci s’apparentent à celles en vigueur devant les juridictions administratives françaises. L’essentiel de ces règles peut être résumé comme suit.

1 – L’introduction de l’instance

Le tribunal peut être saisi par toute personne, physique ou morale ayant qualité et justifiant d’un intérêt suffisamment caractérisé, en matière administrative comme en matière constitutionnelle. Ainsi notamment, toute loi peut être annulée, pour inconstitutionnalité, à l’initiative d’un justiciable, personne physique ou morale, monégasque ou étranger. Cette particularité mérite d’autant plus d’être soulignée qu’un accès direct du justiciable au juge constitutionnel, tant par voie d’action que par voie d’exception, est assez peu répandu dans les États de droit.

Le délai de recours contentieux, tant en matière constitutionnelle qu’en matière administrative, est de deux mois à compter, soit de l’accomplissement des formalités régulières de publicité (notification, signification, ou publication de l’acte juridique déféré), soit du jour où le fait sur lequel l’action est fondée a été connu de l’intéressé.

Quant aux recours en appréciation de validité et aux recours en interprétation sur renvoi, ils doivent également être formés dans les deux mois de la date à laquelle la décision de la juridiction judiciaire est devenue définitive.

En matière administrative, le recours pour excès de pouvoir, peut être précédé d’un recours administratif préalable, soit devant l’auteur de la décision – le recours est alors dit gracieux- soit devant son supérieur — le recours est alors dit hiérarchique. Cette démarche préalable doit être formalisée dans le délai de deux mois susvisé. En cas de rejet, ou de silence gardé par l’autorité compétente pendant quatre mois, le requérant dispose d’un nouveau délai de deux mois pour saisir le tribunal suprême(1). Cette condition de délai est stricte et le président du tribunal suprême peut rejeter la requête par simple ordonnance, sans instruction du dossier, si elle n’est pas respectée(2).

Les cas d’ouverture du recours pour excès de pouvoir sont identiques à ceux connus en droit administratif français, savoir :

  • Les vices de la légalité externe : incompétence, vice de forme
  • Les vices de la légalité interne : violation de la loi, illégalité des motifs, détournement de pouvoir

Le recours devant le tribunal suprême n’est pas suspensif mais peut être assorti d’une requête en sursis à exécution de l’acte attaqué, introduite dans les mêmes conditions, notamment de délai, sur laquelle il est statué par ordonnance du président du tribunal.

Le président du tribunal suprême peut également être saisi par la voie du référé afin d’ordonner toutes mesures utiles sans préjudicier au principal.

La requête devant le tribunal suprême doit être signée par un avocat-défenseur inscrit au barreau de la Principauté. Elle peut toutefois être établie par un avocat étranger, assisté par un confrère postulant monégasque pour ce qui est des formalités de procédure. Elle est déposée au greffe général contre récépissé.

2 – Le déroulement de l’instance

La procédure étant écrite, l’administration dispose de deux mois pour présenter une contre-requête à laquelle le requérant peut répondre par une réplique suivie, le cas échéant, d’une duplique de l’administration. La réplique et la duplique doivent être déposées dans un délai d’un mois(3). Sauf autorisation du président du tribunal, les échanges d’écritures se limitent à ces quatre actes, ce qui n’est pas sans incidence sur le délai de jugement des affaires qui dépasse rarement dix mois.

Le président du tribunal désigne un rapporteur pour chaque affaire. Pendant l’instruction, le président peut ordonner toute mesure d’instruction utile à la manifestation de la vérité. En outre, s’il apparaît que le tribunal est susceptible de s’appuyer sur un moyen qui n’a été soulevé par aucune des parties, il en informe ces dernières et recueille leurs observations sur ce moyen(4).

Au terme de l’échange d’écritures, il fait procéder à la clôture de la procédure et fixe la date de l’audience.
Le requérant peut se désister de son instance ou de son action soit en cours d’instance, soit à l’audience. Il y est statué soit par ordonnance du président dans le premier cas, soit par décision du tribunal dans le second(5).

3 – L’audience

Le tribunal siège au Palais de Justice de Monaco. Ses audiences sont publiques(6).

En matière constitutionnelle, le tribunal siège obligatoirement en assemblée plénière.

Le service des audiences du tribunal suprême est assuré par l’un des huissiers de justice de la Principauté, le greffe étant assuré par le greffier en chef.

Le procureur général remplit les fonctions du ministère public près le tribunal suprême ; il n’est pas une partie au procès mais conclut « au nom de la loi » à l’audience.

Après l’appel des parties, le président donne la parole au rapporteur qui résume les faits, moyens et conclusions, sans ouvrir d’avis sur la solution. Bien que la procédure soit écrite, il est d’usage que les avocats présentent de brèves observations à l’audience ; ils peuvent en outre prendre la parole après l’audition des conclusions du procureur général.

Au terme des débats, les membres du tribunal se retirent pour délibérer en chambre du conseil.

4 – La décision

La décision doit être lue en audience publique par un membre du tribunal dans les quinze jours suivants les débats.

Elle doit comprendre diverses mentions obligatoires et être motivée.

Lorsqu’il est saisi d’une demande d’indemnité en réparation d’un préjudice résultant de l’inconstitutionnalité d’une loi ou de l’illégalité d’un acte administratif, le tribunal, s’il prononce l’annulation, doit statuer sur l’indemnité dans la même décision(7).

Le tribunal peut également, par décision avant de dire droit, ordonner toutes mesures d’instruction utiles.

Les décisions du tribunal sont adressées au Ministre d’État par le président et donnent lieu à publication au Journal de Monaco(8).

(1) : Le recours devant une juridiction incompétente conserve également le délai de recours contentieux.
(2) : V. art. 17 de l’Ordonnance n° 2984, dans sa rédaction du 19 juin 2015.
(3) : Ces délais peuvent être réduits en raison de l’urgence à traiter une affaire. Ils sont en outre automatiquement plus brefs dans l’instruction d’une demande de sursis à exécution (V. art. 26 et 40 de l’Ordonnance n° 2984).
(4) : V. art. 23 de l’ordonnance n° 2984 dans sa rédaction du 19 juin 2015 (procédure appliquée pour la première fois dans la décision n° 2015-18 du 25 novembre 2016).
(5) : V. p. ex. TS 16 juin 2014, SAM S.
(6) : Elles se tiennent dans la salle où siègent également le conseil d’État et la cour de révision.
(7) : La demande de réparation d’un tel préjudice peut cependant être présentée postérieurement à l’annulation et faire ainsi l’objet d’une procédure distincte devant le tribunal suprême (TS 16 février 2015, SAM M.C. ; 25 novembre 2016, Epx S…).
(8) : Les décisions sont également publiées, avec pour certaines d’entre elles des notes ou des commentaires de juristes de renom, au recueil des décisions du tribunal suprême (éditions du juris-classeur, 141 , rue de Javel, 75147 Paris CEDEX 15) et une sélection d’entre elles figure sur le site de l’association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français et sur celui de la commission pour la démocratie et le droit dite Commission de Venise du Conseil de l’Europe