08/04/2021
Communiqué TS 2020-02 Epoux D. c/ Etat de Monaco
Tribunal Suprême
Le Tribunal Suprême constate l’écart entre les dispositions légales régissant le contrat « habitation-capitalisation » et la pratique de l’Administration
Par une décision du 6 avril 2021, le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco a annulé une décision de l’Administration des Domaines refusant la conclusion d’un contrat « habitation-capitalisation » pour le logement occupé par les époux D. aux « Terrasses de Fontvieille ».
En vertu de l’article 1er de la loi n° 357 du 19 février 2009, le contrat « habitation-capitalisation » est une convention de droit privé qui comporte l’engagement de l’État de conférer au titulaire du contrat un droit personnel d’habitation d’un appartement situé dans un immeuble dépendant du domaine de l’Etat, à titre onéreux, et pour une durée de 75 ans à l’issue de laquelle un nouveau contrat peut être conclu. L’article 2 de la même loi précise toutefois que « les appartements ou les immeubles voués à la destruction, la reconstruction, la rénovation ou l’extension, pour des opérations arrêtées par les programmes triennaux d’équipement public annexés aux lois de budget » ne peuvent faire l’objet de contrats « habitation-capitalisation ».
En octobre 2018, les époux D. ont sollicité l’Administration des Domaines en vue de la conclusion d’un contrat « habitation–capitalisation » pour le logement qu’ils occupent depuis vingt ans dans l’immeuble « Les Terrasses de Fontvieille ». Par une décision du 29 octobre 2018, l’Administration des Domaines a fait droit à leur demande et leur a adressé une offre d’une durée de validité de trois mois. Les époux D. n’ont toutefois pas été en mesure de donner suite à cette offre. En septembre 2019, ils ont à nouveau sollicité l’Administration des Domaines afin de bénéficier du dispositif « habitation-capitalisation ». Cette fois, par une décision du 21 octobre 2019, l’Administration a rejeté leur demande. Les époux D. ont demandé l’annulation de cette dernière décision.
La justification pour laquelle, sur le fondement des mêmes textes et dans un contexte inchangé, l’Administration des Domaines a d’abord accepté la conclusion d’un contrat « habitation-capitalisation » puis refusé la conclusion de ce contrat résidait, selon l’Etat, dans la circonstance que le principe de la démolition de l’immeuble « Les Terrasses de Fontvieille » n’avait été définitivement retenu que le 11 mars 2019 à l’occasion de l’adoption du Plan National pour le Logement.
Le Tribunal Suprême a dû constater qu’en se fondant sur un tel motif, l’Administration avait entaché sa décision d’une erreur de droit. Ainsi, il ne s’est pas agi pour le Tribunal Suprême de remettre en cause la pertinence de ce motif dans la décision de conclure ou pas des contrats « habitation-capitalisation » mais de constater qu’un tel critère, qui fonde la pratique de l’Administration, n’est pas prévu par la loi du 19 février 2009.
A la suite de la décision du Tribunal Suprême, il appartient au législateur, s’il l’estime nécessaire, d’adapter le dispositif de contrat « habitation-logement » afin de permettre à l’Administration, pour des logements dont la destruction, la reconstruction, la rénovation ou l’extension doit résulter d’une opération arrêtée dans un programme triennal d’équipement public annexé aux lois de budget, de tenir compte du degré de certitude de réalisation de l’opération lorsqu’elle répond à une demande de conclusion d’un contrat « habitation-logement » et, le cas échéant, de repenser plus largement les critères de refus de conclusion d’un tel contrat.
Par ailleurs, la décision du Tribunal Suprême n’implique pas pour l’Administration qu’il soit fait droit à la demande des époux D. Il reviendra à cette dernière de se prononcer sur cette demande en faisant application des seuls critères prévus par la loi.