Décisions

24/10/1972

Décision M. M. c/ le Maire de Monaco

Tribunal Suprême

Monaco

24 octobre 1972

Sieur M.

Abstract

Compétence
Contentieux administratif – Recours susceptibles d’être déférés au Tribunal Suprême – Recours en annulation des délibérations du Conseil communal (non) – Décomptes mensuels de rémunération – Actes formant décision (non).
Le Tribunal Suprême

Vu la requête présentée le vingt-six janvier mil neuf cent soixante-douze, par le sieur M., et tendant, d’une part, à ce que les délibérations et décisions de M. le Maire de Monaco et du Conseil communal le concernant, notamment, celles des vingt-neuf juin, vingt-neuf septembre et trois novembre mil neuf cent soixante et onze, et quatre janvier mil neuf cent soixante-douze, soient annulées, aux motifs que le requérant n’a jamais commis l’abandon de poste pour lequel il a été sanctionné par lesdites délibérations, qu’il n’a jamais été à même de présenter sa défense, et que ladite sanction est illégale, nulle pour excès de pouvoir et violation des règles élémentaires, d’autre part à ce que les décomptes mensuels de rémunération de mal et juin mil neuf cent soixante et onze, soient également annulés, que lui soit donné acte de ses réserves de tout recours né de ces pièces, que lui soient délivrés des décomptes exacts et que lui soit donné acte qu’il offre de rembourser toute trop perçue, si la date de retraite anticipée qu’il avait proposée était retenue, enfin à ce que tout contestant soit condamné aux dépens ;

Vu la contre-requête en date du vingt neuf mars mil neuf cent soixante-douze, tendant à ce que la requête soit rejetée, premièrement comme irrecevable, d’une part, en ce qui concerne les délibérations du Conseil communal, en application de l’ article de la loi du 3 mai 1920 , d’après lequel l’annulation doit être prononcée par le Ministre d’État en Conseil de Gouvernement, d’autre part, en ce qui concerne les décomptes mensuels, d’abord en application de l’ article de l’Ordonnance Souveraine n° 2984 , sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, comme déposée plus de deux mois après notification, ensuite parce qu’il s’agit de documents comptables à l’égard desquels le requérant est sans intérêt à en poursuivre l’annulation, et de surcroît, parce que, en l’absence de lien de connexité suffisamment étroit avec les délibérations du Conseil Communal, susvisées, la requête ne pourrait être déclarée recevable qu’en ce qui concerne ces délibérations, premières nommées, deuxièmement et subsidiairement comme mal fondée, parce que le requérant prétend à tort que la rétrogradation prononcée contre lui comme sanction disciplinaire est, d’une part dépourvue de base légale, motif pris qu’il n’aurait pas commis un abandon de poste au sens de l’article 23, dernier alinéa, de l’ Ordonnance Souveraine n° 421 du 28 juin 1951 , alors qu’il est constant qu’il a, de son chef, cessé ses fonctions, contrairement aux instructions du Maire, le vingt-trois avril mil neuf cent soixante et onze au soir, ce qui constitue bien l’abandon de poste prévu par l’article 60 de ladite Ordonnance Souveraine, et parce que le requérant soutient aussi à tort que la sanction est intervenue sur une procédure irrégulière, alors que la faute commise, d’une extrême gravité, ne lui permet pas de prétendre au bénéfice des garanties prévues par son statut – parce que, en second lieu, le requérant prétend encore, à tort, qu’étant à la retraite quand la sanction est intervenue, aucune sanction ne pouvait ainsi le frapper le vingt-neuf septembre, alors qu’aucune décision d’admission à la retraite n’étant intervenue à cette date, contrairement à ses dires, il faisait toujours partie de l’administration active -, parce que, en ce qui concerne la délibération du quatre janvier mil neuf cent soixante-douze, il a été fait une juste application de la loi du 3 mai 1920 , sur l’organisation municipale, le Conseil Communal, après avoir pris connaissance du mémoire du requérant au Ministre d’État, ayant régulièrement autorisé son Maire, conformément à l’article 156 de ladite loi, à représenter la commune dans l’instance susceptible d’être engagée à son encontre, alors surtout que la formalité du mémoire n’est exigée que pour les actions qui relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, la contre-requête concluant, en outre, à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Vu la réplique, en date du dix-neuf avril mil neuf cent soixante-douze, par laquelle le requérant réitère et maintient les fins et moyens de son pourvoi, objectant, sur la prétendue irrecevabilité, qu’il s’est pourvu devant le Tribunal Suprême pour violation des droits qu’il tient du statut des fonctionnaires de l’ordre municipal, et que le Tribunal Suprême serait vidé de tout contentieux municipal si la contre-requête était suivie dans cette exception ;

Vu la duplique, en date du dix-neuf mai mil neuf cent soixante-douze, par laquelle le Maire persiste dans ses précédentes conclusions, au motif, sur l’irrecevabilité, que l’objection avancée, visant les attributions du Tribunal Suprême, outre qu’elle est dépourvue de toute portée juridique, manque en fait, les dispositions de l’article 104 précité ne lui retirant, en aucune façon, la connaissance du contentieux municipal, et, sur le fond, que les droits essentiels de la défense ont bien été observés, le requérant ayant été informé des suites disciplinaires qu’entraînerait son comportement préalablement à l’intervention de la sanction disciplinaire ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’Ordonnance constitutionnelle du dix-sept décembre mil neuf cent soixante-deux, notamment ses articles 89 à 92 ;

Vu l’ Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 , modifiée, sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 30 du 3 mai 1920 , modifiée sur l’organisation municipale, notamment ses articles 104, 156 et 157 ;

Vu l’ Ordonnance n° 421 du 28 juin 1951 , constituant le statut des fonctionnaires et agents de l’ordre municipal, notamment ses articles 10, 23, 57 à 60 ;

Ouï Monsieur Louis Trotabas, Membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Lorenzi, avocat-défenseur, et Maître George, avocat au Conseil d’État français et à la Cour de Cassation, en leurs observations ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Statuant en matière administrative sur les conclusions tendant à l’annulation des délibérations du Conseil communal :

Considérant que la loi n° 30 du 3 mai 1920 sur l’Organisation municipale, article 104, dispose que la nullité et l’annulation des délibérations du Conseil communal « sont prononcées par le Ministre d’État en Conseil de Gouvernement » ;

Considérant que le requérant n’a pas demandé au Ministre d’État de prononcer la nullité des délibérations susvisées, le mémoire du six décembre mil neuf cent soixante et onze, tendant uniquement à l’informer, conformément à l’article 157 de la loi précitée, de son intention d’intenter une action contre la Commune de Monaco ;

Considérant dès lors qu’il n’est pas recevable à présenter directement devant le Tribunal Suprême des conclusions à fin d’annulation desdites délibérations ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation des décomptes mensuels de rémunération :

Considérant que ces décomptes ne constituent pas des décisions susceptibles de recours devant le Tribunal Suprême ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

Considérant que ces conclusions ne sont assorties d’aucun moyen ou qu’elles demandent au Tribunal Suprême d’adresser des injonctions à l’Administration, et qu’elles sont par suite irrecevables ;

Décide :

Article 1er : La requête est rejetée comme irrecevable ;

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge du sieur M. ;

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.