Décisions

23/01/2002

Décision M. M. C., Mme G. H., M. G. G. c/ CHPG

Tribunal Suprême

Monaco

23 janvier 2002

Sieur M. C., Dame G. H., Sieur G. G.,

c/ CHPG

Abstract

Compétence
Contentieux administratif – Recours en annulation – Acte administratif individuel.
Fonctionnaires et Agents publics
Établissement public – Personnel hospitalier – Agent contractuel – Licenciement.
Recours pour excès de pouvoir
Absence de droit acquis à la titularisation – Portée du principe d’égalité – Personnes se trouvant dans une situation identique – Détournement de pouvoir et détournement de procédure – Moyens manquants en fait – Pas de droit à indemnité en raison du rejet de la requête.
Procédure
Qualité pour agir – Intérêt pour agir – Requête conjointe – Délai de recours – Irrecevabilité pour tardiveté.
Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par les docteurs C., H. et G., enregistrée au greffe général le 28 mai 2001, en vue de l’annulation de la nomination des docteurs B. et L. en qualité de praticiens hospitaliers et de celle des docteurs B. et R. en qualité d’assistants ainsi que de la condamnation in solidum du Centre hospitalier et de l’État monégasque au paiement de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles comme aux entiers dépens.

Ce faire :

Attendu que les praticiens requérants ayant fait l’objet d’une décision de licenciement mettant fin à leur activité au service des urgences entendent contester la nomination des docteurs L. et B. en qualité de praticiens hospitaliers et des Docteurs B. et R. en qualité d’assistants dans ce même service ;

Attendu que les requérants affirment avoir un intérêt direct à agir car ils se sont vus privés du bénéfice attendu et normal de leur intégration dans le corps des praticiens hospitaliers ; que les docteurs C. et G. ont été candidats au concours de recrutement ;

Attendu que les mesures d’application annoncées par l’ article de l’arrêté ministériel du 29 décembre 1998 pour permettre l’intégration des personnels en place n’ont pas été prises créant ainsi artificiellement une vacance des postes constituant une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation ;

Attendu que l’organisation du concours pour les deux postes de praticiens hospitaliers laisse apparaître plusieurs irrégularités, notamment dans la composition du jury comme dans l’absence de publication des résultats ; que ces derniers ne correspondent pas à l’ordre de mérite en fonction des diplômes, titres et références des postulants comme l’exige l’ article de l’ordonnance souveraine n° 13839 . S’agissant des assistants, qu’ils ne remplissaient pas les conditions exigées par l’article 16 de l’arrêté ministériel précité et n’auraient été choisis qu’en raison des liens avec le nouveau chef de service ;

Attendu que le détournement de procédure et de pouvoir est encore renforcé par la réduction des effectifs du service en fonction du nouvel organigramme impliquant l’appel à des intérimaires, parmi lesquels les médecins licenciés, preuve que les objectifs d’économie et de qualité à la base de la réforme étaient contredits ;

Attendu que les requérants demandent, outre l’annulation de la nomination des docteurs B. et L. et des docteurs B. et R., la condamnation in solidum du Centre hospitalier et de l’État monégasque au paiement de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles et aux dépens ;

Vu les contre-requêtes présentées au nom du Ministre d’État et du Centre hospitalier Princesse Grace, déposées le 27 juillet 2001, qui concluent au rejet de la requête en rappelant les raisons de la réforme du statut des praticiens hospitaliers et les conditions dans lesquelles ont été, pour les besoins du service des urgences, d’une part organisé le concours de recrutement de deux praticiens hospitaliers et, d’autre part, recruté deux assistants ;

Attendu que les contre-requêtes, indiquent que, les requérants ayant eu connaissance des nominations contestées par le tableau de service du 22 mars 2001, leur requête déposée au greffe général le 28 mai 2001 est tardive ; que les trois requérants sont dépourvus de qualité et d’intérêt pour critiquer la nomination des assistants, n’ayant pas été eux-mêmes candidats à ces postes, et que le docteur H. n’ayant pas été candidate au concours est également dépourvue d’intérêt pour critiquer la nomination des praticiens hospitaliers. Au fond, que l’arrêté ministériel ne donne aucun droit aux médecins contractuels d’être intégrés dans le corps des praticiens hospitaliers, mais en prévoit seulement la possibilité ; de plus l’esprit de l’ ordonnance souveraine n° 13839 contredit l’allégation selon laquelle l’organisation de tout concours serait impossible tant que les médecins contractuels en place n’auraient pas été intégrés puisqu’elle repose sur le principe du concours pour le recrutement des praticiens hospitaliers. Que les irrégularités prétendues dans l’organisation du concours ne sont pas fondées ; que les appréciations portées par les jurys sur les mérites des candidats sont discrétionnaires ; que les nominations des deux médecins assistants ont été régulièrement opérées s’agissant non pas d’intégrer des praticiens en poste, mais de les recruter directement. Quant au détournement prétendu de procédure et de pouvoir, il ne peut être sérieusement défendu dans la mesure où la réforme du statut a pour objet d’améliorer la qualité du service ;

Vu la réplique des docteurs C., G. et H., déposée le 20 août 2001 tendant aux mêmes fins que la requête initiale, mais demandant également de voir annuler le principe du concours pour le personnel en place selon les dispositions transitoires de l’ arrêté ministériel du 29 décembre 1998 et les dispositions du titre 6 de l’ ordonnance souveraine n° 13841 du 29 décembre 1998 ;

Attendu que les requérants prétendent avoir occupé dans le service en cause les fonctions de médecin adjoint selon le statut issu de l’ ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984 applicable avant la réforme ; qu’ils doivent être depuis régis, non par le nouveau statut des praticiens hospitaliers, mais par les dispositions transitoires, annoncées à l’article 36, imposant de traiter leur intégration avant d’ouvrir des postes pour de nouvelles recrues. Que leur recours est recevable car ils confirment n’avoir eu connaissance de la prise de fonction des praticiens hospitaliers que par la lettre de la DASS du 3 mai 2001 ; qu’un recours gracieux déposé le 12 février 2001 a suspendu le délai du recours contentieux et qu’en l’absence de publication des nominations le délai de recours des tiers n’avait pu courir, ajoutant que le docteur H., bien que n’ayant pas été candidate au concours pour cause de longue maladie, a intérêt à agir. Au fond, que le principe du concours n’était valable que pour vacance de poste après avoir traité la question d’intégration du personnel en place ; que la liste des candidats n’a été portée, ni à la connaissance des postulants, ni publiée, et qu’un candidat n’a pas fourni les pièces exigées ; que le recrutement des assistants, étant subordonné également à la solution préalable du sort des praticiens en place, est donc irrégulier ;

Vu les dupliques déposées au nom du Ministre d’État et du Centre hospitalier Princesse Grace le 24 septembre 2001 ;

Attendu que les défendeurs persistent dans leurs précédentes écritures et précisent que les médecins requérants ont été recrutés par contrat de travail en qualité de « résidents » ; qu’ils ne pouvaient donc avoir la qualité de médecin adjoint recrutés par concours et nommés par Ordonnance souveraine. Que, s’agissant de la recevabilité, ils ne peuvent produire un prétendu recours gracieux, ni sérieusement contester avoir eu connaissance du tableau de service du 22 mars 2001 ; que les agents contractuels en activité dans le service n’ont pas, en cette seule qualité, vocation à occuper les postes mis au concours et qu’il convient d’avoir été concurrent pour bénéficier d’un intérêt à agir à l’encontre des opérations d’un concours. Que, sur le fond, les requérants n’apportent aucun élément nouveau et confondent intégration et recrutement ; de plus, les agents contractuels n’étant pas titulaires de leur poste celui-ci peut être déclaré vacant et, sauf disposition expresse contraire, un contractuel n’a pas le droit à être titularisé. Que les postes mis au concours étaient des postes nouveaux ; que les modalités du concours ne sont pas critiquables et que les assistants ont été recrutés et non intégrés dans les conditions prévues par les textes ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la demande de renvoi présentée le 23 janvier 2002 au nom des requérants ;

Vu la Constitution ;

Vu l’ Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l’ Ordonnance souveraine n° 13.839 du 29 décembre 1998 portant statut des praticiens hospitaliers du CHPG et celle n° 13841 de même date portant règlement relatif à l’activité des assistants du CHPG ;

Vu l’ Ordonnance souveraine n° 7928 du 6 mars 1984 portant statut du personnel médical et assimilé du Centre hospitalier Princesse Grace ;

Vu les arrêtés ministériels n° 98.628 du 29 décembre 1998 relatifs aux dispositions transitoires applicables aux chefs de service, médecins adjoints et praticiens en activité ainsi qu’aux résidents en poste au CHPG au 1er janvier 1999 et n° 98-629 de même date réglementant les conditions de recrutement du personnel médical du CHPG ;

Vu l’ Ordonnance du 14 novembre 2001 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l’audience de cette juridiction à l’audience du 23 janvier 2002 ;

Ouï Monsieur Hubert Charles, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport.

Ouï Maître Ladu, avocat, pour les requérants et Maître Molinie, avocat pour le Ministre d’État et le Centre hospitalier Princesse Grace ;

Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;

Sur la demande de renvoi :

Considérant qu’en l’état de l’instruction, ce renvoi n’est pas nécessaire à la bonne administration de la justice au sens de l’ article de l’Ordonnance souveraine du 16 avril 1963 , modifiée.

Sur la recevabilité ;

Considérant que les docteurs C., H. et G. ont demandé, par une seule et même requête l’annulation, d’une part de l’admission à la fonction par le ministre d’État des docteurs L. et B. en qualité de médecins hospitaliers du Centre hospitalier Princesse Grace, d’autre part de la nomination par décision du Directeur du Centre hospitalier des docteurs B. et R. en qualité d’assistants auprès du même établissement ;

Considérant que la requête émane de personnes physiques distinctes qui, se trouvent dans des situations et ont des intérêts différents ; qu’ainsi la requête n’est recevable, au regard de la qualité, qu’en tant qu’elle émane du premier requérant, le docteur C. ;

Considérant que le docteur C. a été candidat au concours de recrutement des médecins hospitaliers, ce qui lui donne qualité et intérêt à demander l’annulation des opérations et des résultats du concours ; qu’il n’a pas postulé en vue d’occuper un poste d’assistant et n’a donc pas d’intérêt à demander l’annulation de la nomination des médecins assistants ;

Considérant que le tableau de service dit du mois de mars 2001 ne permettait pas de connaître les vices qui serviront de base à la requête ; que cette condition sera remplie pour le docteur C. avec la lettre de la Direction des Affaires sanitaires et sociales du 3 mai 2001 qui suit son licenciement prononcé le 29 mars précédent ; que la requête n’est donc pas tardive en ce qui le concerne ;

Considérant que le principe du concours trouve sa source dans l’ Ordonnance souveraine n° 13839 , l’arrêté n° 98628 se bornant à en tirer les conséquences ; que le conclusions tendant à voir annuler le principe du concours pour le personnel en place selon les dispositions transitoires de l’ arrêté ministériel du 29 décembre 1998 et les dispositions du titre 6 de l’ ordonnance souveraine n° 13841 du 29 décembre 1998 ont été présentées après l’expiration du délai de recours contre ces actes ; qu’elles sont tardives et donc irrecevables ;

Sur le fond :

Considérant qu’aucune disposition n’a établi ni prévu un droit acquis à l’intégration des médecins exerçant sous contrat ; qu’il a seulement été prévu une faculté d’intégration selon les besoins du service ; que les médecins contractuels en poste au moment de la réforme, quelles que soient leur ancienneté et leur expérience, ne peuvent prétendre au droit d’être titularisé après celle-ci, pas plus qu’à continuer d’occuper les fonctions que la réforme a précisément pour objet de reconsidérer, ni de voir leur sort réglé avant qu’il soit procédé à un recrutement par concours ; que les emplois occupés par des agents contractuels ne peuvent, en l’absence de disposition expresse en ce sens, être considérés comme pourvus et donc impropres à une mise au concours ;

Considérant que les médecins contractuels placés dans une même situation sont régis par les mêmes règles et donc qu’aucune atteinte au principe d’égalité ne peut être constituée ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les opérations du concours se sont déroulées de manière irrégulière ;

Considérant que le détournement de procédure, pas plus que le détournement de pouvoir n’ont été établis ;

Sur les conclusions au paiement de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles :

Considérant qu’aucune disposition ne permet au Tribunal Suprême de condamner au paiement de frais irrépétibles ; qu’au surplus, le Tribunal Suprême n’est pas compétent pour condamner une partie à des dommages-intérêts dès lors que la demande en annulation a été rejetée ;

Décide :

Article 1er : – La requête de Monsieur C., Madame H. et Monsieur G. est rejetée ;

Article 2 : – Les dépens sont mis à la charge de Monsieur C., Madame H. et Monsieur G. ;

Article 3 : – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État et au Centre hospitalier Princesse Grace.