23/01/2002
Décision 2001-6 M. K. B. c/ Tribunal Suprême
Tribunal Suprême
Monaco
23 janvier 2002
Sieur K. B.
Abstract
Compétence
Contentieux administratif – Recours en annulation – Acte administratif individuel.
Recours pour excès de pouvoir
Décision de retrait d’autorisation de travail – Obligation de motiver la décision (non) – Pouvoir discrétionnaire de l’autorité administrative – Notion d’intérêt général – Exigences de l’ordre public – Faits matériellement inexacts (non) – Erreur de droit (non) – Erreur manifeste d’appréciation (non).
Procédure
Qualité pour agir – Recevabilité de la requête présentée par un père au nom de son fils mineur.
Le Tribunal Suprême
Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,
Vu la requête présentée par le sieur A. B., agissant en représentation de son fils mineur, K. B., enregistrée au greffe général de la Principauté le 9 avril 2001, sous le n° TS 2001-6, tendant à ce qu’il plaise au Tribunal Suprême d’annuler pour excès de pouvoir, « la décision de retrait d’autorisation de travail » du 15 novembre 2000 concernant son fils ;
Ce faire :
Attendu que le requérant soutient que la décision du 15 novembre 2000 et le rejet du recours administratif du 11 décembre 2000 ne sont pas motivés et sont manifestement anticonstitutionnels et entachés d’excès de pouvoir ;
Que l’article 25 de la constitution prévoit que « la liberté du travail est garantie » … ;
Que les lois relatives à l’exercice de la liberté du travail n’ont pas été violées pas plus que la priorité d’emploi des Monégasques qui n’était pas en cause dans l’affaire ;
Que le mineur K. B. n’a jamais posé de problème dans son travail et que les griefs que l’on peut articuler à son encontre n’ont pas conduit à des condamnations ;
Qu’il est donc présumé innocent jusqu’à preuve du contraire ;
Qu’ayant des attaches familiales à Monaco où il est né et où il peut circuler librement, l’absence de travail et l’oisiveté qui en découle peuvent lui être particulièrement nuisibles ;
Vu la contre-requête du Ministre d’État, déposée au greffe général de la Principauté le 8 juin 2001 par Maître Karczag-Mencarelli, avocat-défenseur, et tendant au rejet de la requête aux motifs :
– que la représentation de K. B. par son père est irrégulière, l’intéressé ayant atteint l’âge de dix-huit ans au jour du dépôt de la requête est donc majeur ;
– que l’argument tiré de la prétendue violation de l’article 25 de la constitution qui garantit la liberté du travail est infondé dans la mesure où la décision de refus repose sur la loi n° 629 qui contient la réglementation de l’exercice de cette liberté expressément prévue par ledit article 25 ;
– que cette loi qui s’interpose entre la constitution et la décision administrative, constitue la seule base légale de la décision attaquée ;
– que le requérant ne formule aucun grief contre cette loi dont il reconnaît implicitement mais nécessairement la conformité à la Constitution ;
– que la loi n° 629 reconnaît à l’autorité administrative un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser un permis de travail dès lors qu’elle ne soumet à l’exercice de cette compétence aucune condition autre que le respect des règles de priorité d’embauchage résultant de l’article 5 de la loi ;
– que l’autorité administrative qui n’a pas à se prononcer sur la qualification technique du demandeur, peut, en revanche, se fonder sur des considérations d’intérêt général et notamment des motifs d’ordre public, pour rendre sa décision ;
– qu’en l’espèce l’État disposant de renseignements défavorables sur l’intéressé, le chef du service de l’emploi pouvait prendre légalement la décision de refus, sans que celle-ci puisse être contestée devant le juge de l’excès de pouvoir sauf erreur manifeste d’appréciation ;
– qu’enfin l’Administration n’avait pas l’obligation de motiver sa décision, la loi ne le lui imposant pas, ce qui est confirmé par les débats du Conseil National du 5 juillet 1957 au cours desquels la loi a été votée ;
Vu la réplique du requérant déposée au greffe général le 5 juillet 2001 qui maintient la demande d’annulation de la décision entreprise aux motifs :
– que l’exception d’irrecevabilité ne peut être accueillie, K. B. de nationalité algérienne n’étant majeur ni en vertu de la loi algérienne (19 ans), ni en vertu de la législation monégasque (21 ans) ;
– que le pouvoir détenu par l’autorité administrative sur la base de la loi n° 629 doit s’exercer conformément à la Constitution et ne laisse pas place à l’arbitraire ;
– que Monsieur le Ministre d’État n’apporte aucune preuve de l’allégation selon laquelle il disposerait de renseignements défavorables concernant le requérant celui-ci donnant toute satisfaction dans son emploi ;
Vu la duplique déposée au greffe général, au nom de l’État de Monaco, le 2 août 2001 qui abandonne l’exception d’irrecevabilité mais maintient son opposition aux prétentions du requérant sur la base des arguments suivants :
– la décision n’est pas arbitraire ; elle repose sur la loi n° 629 qui met en œuvre, conformément à ses dispositions, l’article 25 de la constitution garantissant la liberté du travail ;
– la loi n° 629 n’est pas contraire à la constitution qui n’édicte aucune règle de fond ou de forme dont la méconnaissance pourrait être invoquée (Tribunal Suprême, 3 février 1994 ; Guenaoui),
– le pouvoir de délivrer ou de refuser le permis de travail est destiné à permettre un contrôle préalable de la personne du demandeur à l’exclusion de sa qualification professionnelle ; l’autorité administrative n’est donc pas tenue de délivrer l’autorisation de travail à toute personne qui en fait la demande ;
– Enfin le rapport de la Direction de la Sûreté Publique fait apparaître que le requérant s’est rendu coupable de plusieurs actes délictueux en considération desquels la décision de refus a été prise.
Le refus du permis de travail est donc régulier tant au regard des normes juridiques qu’au regard des faits et n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Vu le mémoire de reprise d’instance, en date du 17 janvier 2002 déposé par Monsieur K. B. indiquant qu’il est devenu majeur ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution et notamment son article 25 ;
Vu la loi n° 629 du 17 juillet 1957 modifiée tendant à réglementer les conditions d’embauchage et de licenciement en Principauté ;
Vu l’ Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l’Ordonnance de renvoi de Monsieur le Président du Tribunal Suprême en date du 7 novembre 2001 ;
Vu l’Ordonnance de Monsieur Roland Drago, Président du Tribunal Suprême de Monaco fixant au 23 janvier 2002 à 14 heures 30 le jour et l’heure de l’audience du Tribunal Suprême siégeant en formation plénière ;
Ouï M. Michel Rousset, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Tamisier, avocat, au nom de K. B. ;
Ouï Maître Karczag-Mencarelli, avocat-défenseur, au nom de S.E. Monsieur le Ministre d’État ;
Ouï Monsieur le Procureur Général, en ses conclusions ;
Après en avoir délibéré,
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que le jeune K. B. de nationalité algérienne étant mineur tant en vertu de la loi algérienne qu’en vertu de la loi monégasque il pouvait être également représenté par son père dans l’affaire objet de la présente instance ;
Sur le fond :
Considérant que l’article 25 de la Constitution qui garantit la liberté du travail renvoie à la loi le soin d’en réglementer l’exercice ; que cette réglementation est contenue dans la loi n° 629 du 17 juillet 1957 modifiée ; qu’il n’a pas été soutenu que cette loi serait contraire aux dispositions constitutionnelles susvisées ;
Considérant que la loi n° 629 dispose dans son article 1er- 1° : « aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s’il n’est titulaire d’un permis de travail » ;
Considérant que ce texte n’impose pas à l’autorité administrative l’obligation de motiver son refus ; que par suite le requérant ne peut utilement soutenir que la décision attaquée ainsi que la décision de rejet du recours hiérarchique n’étaient pas motivées ;
Considérant que la loi n° 629 ne précise pas les motifs pour lesquels l’autorisation de travail peut être refusée ; qu’il appartient à l’autorité administrative d’apprécier en fonction de considérations d’intérêt général tirées notamment des exigences de l’ordre public l’opportunité d’accorder ou non au demandeur le bénéfice du permis de travail sollicité ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en se fondant sur les renseignements défavorables recueillis sur K. B. par la Direction de la Sûreté Publique pour lui refuser le permis de travail, l’Administration n’a pas retenu de faits matériellement inexacts et que sa décision n’est entachée ni d’une erreur de droit, ni d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Par ces motifs,
Décide :
Article 1er : – La requête de Monsieur A. B. en date du 9 avril 2001 est rejetée ;
Article 2 : – Les dépens sont mis à la charge de Monsieur A. B. ;
Article 3 : – Expédition de la présente direction sera transmise au Ministre d’État ;