Décisions

10/02/1982

Décision M. J. A. c/ l’Inspecteur du Travail et des Affaires sociales

Tribunal Suprême

Monaco

10 février 1982

Sieur J. A.

Abstract

Compétence
Recours susceptibles d’être déférés au Tribunal Suprême – Conclusions tendant à l’annulation d’un procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail – Acte préalable à des poursuites – Incompétence du Tribunal Suprême.
Conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné la communication de documents – Injonction aux autorités administratives – Incompétence du Tribunal Suprême.
Litige portant sur des salaires – Compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Travail
Inspecteur du travail – Procès-verbal – Décision hiérarchique explicite refusant d’annuler un (-) – Excès de pouvoir (non).
Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en section administrative ;

Vu la requête présentée par le sieur A. le 12 juin 1981 tendant

– à l’annulation du procès-verbal du 14 novembre 1980 dressé à son encontre par l’Inspecteur du Travail et des Affaires sociales ;

– à ce que l’Inspecteur du Travail et des Affaires sociales soit tenu de lui communiquer les grilles de salaires de la C.F.A. Printania-Menton depuis septembre 1979 :

– à l’annulation de la décision du Directeur du Travail et des Affaires sociales du 14 avril 1981 refusant explicitement l’annulation du procès-verbal de l’Inspecteur du Travail et des Affaires sociales ;

– à l’annulation de la décision implicite du Directeur du Travail et des Affaires sociales lui refusant communication des grilles de salaires précitées.

Ce faire :

Attendu qu’en exécution des sentences arbitrales du 13 novembre 1968 et du 12 décembre 1977 et de l’ arrêt de la Cour Supérieure d’Arbitrage du 11 janvier 1978 , l’Inspecteur du Travail ne pouvait fixer d’autres références pour l’établissement des salaires de la S.A.M. Printania Monte-Carlo que celle de la C.F.A. Printania Menton retenue par lesdites sentences ; que le procès-verbal et la décision du 14 avril 1981 attaqués ont méconnu les dispositions desdites sentences arbitrales en substituant à la référence que celles-ci prévoient celle des salaires de la S.A.P.A.C. Printania-Antibes qui, d’ailleurs, ne gère pas de magasin et notamment pas celui de la C.F.A. Printania Menton ;

Attendu que le refus, par l’Inspecteur et le Directeur du Travail, de communiquer au requérant les grilles de salaires de la C.F.A. Printania Menton est illégal comme contraire aux sentences arbitrales et à l’arrêt de la Cour Supérieure d’Arbitrage qui exigent que l’administration procède à cette communication ;

Vu la contre-requête du 12 août 1981 par laquelle le Ministre d’État conclut au rejet de la requête par les motifs que

– la demande d’annulation du procès-verbal est portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, s’agissant d’une mesure préalable aux poursuites judiciaires en cas d’infraction à la loi du 16 mars 1963 sur les salaires, une telle mesure relevant de la compétence de l’autorité judiciaire ;

– le procès-verbal attaqué ne constitue pas une décision susceptible de recours, mais un simple constat des faits pouvant donner lieu à poursuites ;

– le Directeur du Travail ne pouvait se substituer à l’autorité judiciaire pour annuler le procès-verbal et, en outre, le délai de recours contre la décision du Directeur du Travail était expiré dès lors qu’ayant eu connaissance du procès-verbal le 17 novembre 1980 et ayant protesté le 26 novembre suivant auprès du Procureur Général, ce n’est que le 13 avril 1981 que le requérant a saisi le Directeur du Travail, après l’expiration du délai prescrit par l’ article de l’Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963 , entraînant l’irrecevabilité de la requête en annulation de la décision de rejet du 14 avril 1981 ;

– les conclusions de la requête tendant à ce que soit jugé par le Tribunal Suprême que l’Inspecteur du Travail sera tenu de communiquer au requérant les grilles de salaires de la C.F.A. Printania Menton sont contraires au principe de la séparation des pouvoirs posé par l’article 6 de la Constitution interdisant au Juge de procéder par voie d’injonction à l’égard de l’Administration ;

– le Directeur du Travail était en droit de ne pas communiquer au requérant des grilles de salaires ne pouvant plus servir de référence, en raison de la modification de structure et de destination du magasin de Menton, seule la référence à la masse salariale des magasins de Menton-Roquebrune-Antibes prévue par les sentences arbitrales étant valable :

Vu la réplique du 4 septembre 1981, par laquelle le requérant maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et, en outre, attendu que

– le procès-verbal constitue une décision administrative soumise au contrôle du Tribunal Suprême sans que l’action pénale intentée contre le requérant puisse entraîner l’incompétence de cette juridiction dès lors que cette action n’a été engagée que la veille du dépôt de la requête ;

– le Directeur du Travail, étant, en vertu de l’ Ordonnance Souveraine du 5 août 1980 , le supérieur hiérarchique de l’Inspecteur, était compétent pour se prononcer sur le procès-verbal ;

– le recours hiérarchique a été formé dans les délais dès lors que le requérant ayant protesté le 26 novembre 1980 contre le procès-verbal dont il a eu connaissance le 17 novembre 1980, a renouvelé cette protestation le 11 mars 1981 et introduit sa requête le 12 juin suivant ;

– le refus de communication des grilles de salaires de la C.F.A. Printania Menton n’est pas fondé dès lors que les structures de cette Société et de la S.A.M. Printania Monte-Carlo sont demeurées les mêmes et que les sentences arbitrales prévoient la référence aux salaires du magasin de Menton, cette référence ne pouvant être modifiée par l’Inspecteur du Travail qui s’est référé à une grille de salaires purement imaginaire ;

Vu la duplique du 6 octobre 1981, par laquelle le Ministre d’État maintient ses conclusions de rejet de la requête, par les mêmes motifs et, en outre, par les motifs que

– le délai écoulé entre le procès-verbal et le réquisitoire du Procureur Général est sans influence sur la compétence de la juridiction appelée à se prononcer sur le procès-verbal ;

– le requérant ne conteste pas que le procès-verbal se rattache à une procédure judiciaire ;

– ce procès-verbal se bornant à constater des faits, n’est pas une décision ;

– le Directeur du Travail ne pouvait se prononcer sur le procès-verbal, celui-ci devant, en vertu de la loi du 12 mai 1951 , être adressé au Procureur Général chargé de saisir l’autorité judiciaire ;

– le rattachement de l’Inspection du Travail à la Direction du Travail ne donne pas au Directeur le pouvoir d’annuler les actes établis par l’Inspecteur du Travail ;

– si le Tribunal Suprême est compétent pour apprécier la légalité du refus de communication des grilles de salaires au requérant, ce refus est fondé, le sieur A. ayant reconnu que la référence au magasin de Menton n’existait plus, ce qui est corroboré par les renseignements recueillis et par les indications figurant au Registre du Commerce ;

– les sentences arbitrales ne prévoient la communication par l’Inspecteur du Travail des grilles de salaires qu’en cas d’impossibilité pour l’intéressé de se les procurer lui-même, ce qu’il ne soutient pas ;

– l’applicabilité de la grille de Printania-Menton et non de celle de Printania-Antibes pose la question du caractère délictueux des faits qui ne peut être apprécié que par l’autorité judiciaire ;

Vu le procès-verbal et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l’ Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962 , notamment son article 6 et ses articles 89 à 92 ;

Vu l’ Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l’Organisation et le Fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 537 du 12 mai 1951 , relative à l’Inspection du Travail ;

Vu la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur les salaires ;

Vu la loi n° 473 du 4 mars 1948 modifiée, relative à la conciliation et à l’arbitrage des conflits collectifs du travail ;

Vu les sentences arbitrales du 13 novembre 1968 et du 12 décembre 1977 rendues dans les conflits collectifs de travail opposant le personnel à la direction de la Société Monégasque des magasins Printania ;

Vu l’arrêt rendu le 11 janvier 1978 par la Cour Supérieure d’Arbitrage ;

Vu l’ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal Suprême en date du 19 octobre 1981, par laquelle il a ordonné le renvoi de la cause en section administrative ;

Ouï Monsieur Louis Pichat, Vice-Président du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Hélène Marquilly, avocat-défenseur près la Cour d’appel de Monaco, et Maître George, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation de France, en leurs observations ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation du procès-verbal du 14 novembre 1980 dressé à l’encontre du requérant :

Considérant que le procès-verbal attaqué est un acte préalable aux poursuites dont a été l’objet le sieur A. pour des faits relevant de l’appréciation des juridictions de l’ordre judiciaire ; que ledit procès-verbal fait, par suite, partie intégrante d’une procédure qui échappe à la compétence du Tribunal Suprême et ne peut, dès lors, faire l’objet d’un recours devant cette juridiction ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision explicite du directeur du travail refusant d’annuler le procès-verbal :

Considérant que les faits constatés par le procès-verbal relèvent, comme il a été dit ci-dessus, de l’appréciation de l’autorité judiciaire qui est seule qualifiée pour interpréter les sentences arbitrales déterminant les salaires du personnel de l’entreprise dirigée par le requérant ; que le Directeur du Travail ne pouvait, par suite, sans excéder ses pouvoirs, se substituer à l’Inspecteur du Travail en annulant le procès-verbal et en modifiant la référence retenue par lui, sous le seul contrôle du Juge, pour la fixation des salaires dont s’agit ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du travail a refusé de communiquer au requérant les grilles de salaires de la société Printania-Menton :

Considérant que les sentences arbitrales sur lesquelles s’est prononcée la Cour Supérieure d’Arbitrage ont déterminé les conditions dans lesquelles seraient fixés les salaires du personnel de la S.A.M. Printania Monte-Carlo, dont le sieur A. est le Président délégué, par référence à des grilles de salaires d’établissements semblables ;

Considérant que l’Inspecteur du Travail s’est référé, en établissant le procès-verbal du 14 novembre 1980, à la grille de salaire de l’Établissement « S.A.P.A.C. Printania Antibes » qu’il avait préalablement communiqué au sieur A. par lettre du 30 septembre 1980, alors que celui-ci, qui soutient que la grille applicable était celle de la C.F.A. Printania Menton, prétend que l’Administration était tenue de lui communiquer cette grille en exécution des sentences arbitrales et de l’arrêt de la Cour Supérieure d’Arbitrage précités ; que le refus implicite qui lui est opposé par le Directeur du Travail devait, par suite, être annulé pour excès de pouvoir ;

Considérant que cette contestation, qui porte, en réalité, non sur le principe même de l’obligation qu’aurait l’Inspecteur du Travail de procéder à une telle communication, mais sur les salaires devant être versés au personnel de la S.A.M. Printania Monte-Carlo par application des sentences arbitrales précitées, relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire et échappe par suite à l’appréciation du Tribunal Suprême ;

Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal Suprême ordonne la communication au requérant des grilles de salaires de la C.F.A. Printania Menton :

Considérant qu’aucune disposition des articles 89 à 92 de la Constitution relatifs au Tribunal Suprême ne lui attribue compétence pour adresser des injonctions aux autorités administratives ; que lesdites conclusions sont par suite irrecevables ;

NOTE

L’arrêt rendu le 10 février 1982 par le Tribunal Suprême siégeant et délibérant en section administrative sur la requête du sieur A. s’inscrit dans le droit fil tant de sa propre ligne jurisprudentielle que du respect absolu des impératifs constitutionnels et de la jurisprudence de la juridiction administrative française.

A la vérité il a fallu au requérant faire preuve de beaucoup de subtilité, d’habileté, ou de méconnaissance de certaines évidences de fait, pour tenter d’échapper au refus que lui a finalement opposé le Tribunal Suprême et qu’il ne pouvait pas ne pas pressentir, de se saisir de problèmes qui ressortissaient à la seule compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Le 16 novembre 1968 une sentence arbitrale mettait un terme à un conflit collectif du travail qui opposait la Société anonyme monégasque des établissements Printania à son personnel.

Ladite sentence réglant le problème litigieux portait sur la fixation des salaires du personnel à compter du 1er juin 1968 et décidait qu’ils subiraient « les mêmes variations en pourcentage pour ceux appliqués aux mêmes catégories respectives du personnel de la Compagnie française d’ameublement et de nouveautés Printania à Menton ».

En 1970, M. A. fut nommé administrateur-délégué de la Société anonyme monégasque des établissements Printania. Il engagea en avril 1977 une nouvelle procédure de conciliation et d’arbitrage dont la sentence, rendue le 12 décembre 1977, reprenait, pour le calcul des salaires du personnel, les conclusions de la sentence du 12 novembre 1968. Finalement, en dépit d’un pourvoi en révision, la sentence susvisée fut maintenue et la société Printania dut l’appliquer avec rappels de salaires.

Cependant une nouvelle procédure avait pris naissance à la suite d’un procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail le 22 avril 1977 qui constatait qu’à cette date, les salaires du personnel n’étaient pas calculés conformément à la sentence arbitrale de 1968, mais bien entendu, à un niveau inférieur.

Suite à ce procès-verbal, le Tribunal de première instance de Monaco, jugeant correctionnellement, condamnait M. A. le 24 mars 1981 à 3 000 F d’amende. Jugement dont le prévenu faisait appel.

Le 14 novembre 1980, un nouveau procès-verbal de l’inspecteur du travail constatait que, pour les mois de septembre et octobre 1980, les salaires du personnel étaient inférieurs aux salaires des mêmes catégories de personnel des établissements auxquels faisaient référence les sentences arbitrales sus-rappelées.

Nouvelle information pénale ouverte le 11 juin 1981 contre M. A. sur le fondement, en particulier, du procès-verbal du 14 novembre 1980 pour non-respect des dispositions législatives et réglementaires applicables à l’espèce et non-application des sentences arbitrales des 13 novembre 1968 et 12 décembre 1977.

C’est alors que, par le truchement de ses conseils, M. A. crut pouvoir quitter le terrain proprement judiciaire en demandant au directeur du travail et des affaires sociales, d’une part, d’annuler le procès-verbal du 14 novembre 1980 dressé par l’inspecteur du travail et, d’autre part, que lui soient communiquées dûment authentifiées les grilles de salaires de la Compagnie française d’ameublement Printania Menton, depuis septembre 1979. Cette requête était rejetée par décision du 14 avril 1981 et le 12 juin 1981, M. A. en demandait au Tribunal Suprême l’annulation ainsi que celle du procès-verbal du 14 novembre 1980.

Le seul exposé des faits suffit à montrer que les actes dont l’annulation était sollicitée par le requérant s’inscrivaient tous dans un ensemble dont seule pouvait connaître la juridiction de l’ordre judiciaire (V. notamment en ce sens dans la jurisprudence française : A., Trib. Confl. 2 juill. 1979 : Rec. p. 573 ; D., Cons. État 19 nov. 1955 : Rec. p. 552 ; et Trib. Supr. Monaco, B. 19 fév. 1960, Syndicat des jeux de la S.B.M., 27 nov. 1963).

a) Le sieur A. demandait l’annulation d’un procès-verbal dressé le 14 novembre 1980 à son encontre par l’inspecteur du travail.

A quoi le Tribunal Suprême rétorque sans peine et s’appuyant d’ailleurs sur les dires mêmes du requérant « que ledit procès-verbal fait, par suite, partie intégrante d’une procédure qui échappe à la compétence du Tribunal Suprême et ne peut, dès lors, faire l’objet d’un recours devant cette juridiction ».

A noter dans ce motif la formule « partie intégrante d’une procédure » ce qui pourrait donner à penser que si l’acte en cause avait été détaché ou détachable de la procédure, le tribunal aurait pu s’en emparer pour l’analyser et éventuellement le sanctionner.

b) Le requérant demandait en outre que soit annulée la décision explicite du directeur du travail d’annuler le procès-verbal.

A quoi le Tribunal Suprême répond que « le directeur du travail ne pouvait, par suite sans excéder ses pouvoirs, se substituer à l’inspecteur du travail en annulant un procès-verbal et en modifiant la référence retenue par lui, sous le seul contrôle du juge, pour la fixation des salaires dont s’agit ».

La question peut dès lors se poser de savoir quelle eût été la réaction du tribunal s’il avait d’aventure été saisi d’un recours contre une décision du directeur qui aurait annulé le procès-verbal de l’inspecteur du travail. On peut s’interroger sur ce point dans la mesure où le directeur aurait alors excédé ses pouvoirs et non seulement perturbé le cours normal d’un procès judiciaire mais encore, de ce fait, porté un préjudice à l’une des parties. En ce cas, il nous semble que l’acte entaché d’excès de pouvoir eût été détachable de la procédure et que la juridiction administrative aurait pu s’en emparer car l’excès de pouvoir, s’il avait été commis, l’eut été en dehors et contre le cours normal de la procédure judiciaire.

Ainsi, le Tribunal Suprême ne s’est pas laissé égarer sur la voie administrative qu’a tenté d’emprunter M. A. et il s’est fermement refusé à connaître d’un errement de procédure.

c) Plus abondamment que sur les deux chefs de conclusion ci-dessus, le Tribunal Suprême s’explique en ce qui touche à la « décision implicite sur laquelle le directeur du travail a refusé de communiquer au requérant les grilles de salaires de la Société Printania Menton ».

Il expose tout d’abord que le montant des salaires du personnel est déterminé par les sentences arbitrales confirmées par la Cour supérieure d’arbitrage et que ce problème lui échappe parce que déjà réglé.

Dans ses second et troisième motifs sur ce chef de conclusion, il reprend, pour lui redonner sa véritable finalité, l’argumentation du requérant qui arguait de ce que l’administration devait lui communiquer la grille des salaires applicables en exécution des sentences arbitrales et que son refus pouvait s’analyser en excès de pouvoir.

Que non pas, rétorque le Tribunal car « cette contestation… porte, en réalité, non sur le principe même de l’obligation qu’aurait l’inspecteur du travail de procéder à une telle communication mais sur les salaires devant être versés au personnel de la S.A.M. Printania Monte-Carlo par application des sentences arbitrales précitées » et d’en déduire « la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ».

Autrement dit, le tribunal relève la finalité de l’acte attaqué, en affirme le caractère non détachable et refuse sa compétence qui n’aurait pu s’établir que sur des formes étroitement liées au seul refus de l’inspecteur du travail.

Ainsi, le Tribunal Suprême a, avec lucidité, repoussé la tentation qui lui était proposée de s’immiscer dans un ordre juridictionnel dont il ne pouvait connaître.

Plus simple était la réponse à fournir au dernier chef de conclusion pour rejeter la demande d’injonction aux autorités administratives. Ce pouvoir n’est attribué au Tribunal Suprême par aucun des articles le concernant ni par le paragraphe B de l’article 90.

Le commentateur pourrait être tenté d’analyser l’arrêt du 10 février 1982 comme une sorte de fable suivant laquelle celui qui veut trop prouver ne prouve rien, celui qui veut obtenir d’un juge une décision que le juge normal lui a refusé, se heurte au refus du juge incompétent du point de vue constitutionnel.

En fait, comme en droit, l’arrêt en cause est l’expression réaffirmée d’une séparation des pouvoirs dont depuis peut-être Montesquieu les nations de droit écrit s’attachent à défendre le principe sans retenir les tentatives de séduction de certains plaideurs.

Et il est convenable en forme de conclusion de rappeler les termes exacts de l’ article de la Constitution du 17 décembre 1962 : « La séparation des fonctions administrative, législative et judiciaire est assurée ».

C’est cette assurance que consacre pleinement l’arrêt ci-dessus commenté.P. MARCILHACY,Avocat honoraire au Conseil d’Étatet à la Cour de Cassation

Décide :

Article 1er : La requête du sieur A. est rejetée ;

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge du sieur A. ;

Article 3 : Communication de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.