Décisions

16/05/2023

Ordonnance 2023-08 M. M. B. c. Etat de Monaco

Tribunal Suprême

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ORDONNANCE

 

TS 2023-08 – Monsieur M. B. c/ Etat de Monaco

 

Nous, Didier LINOTTE, Officier de l’Ordre de Saint-Charles, Président du Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, assisté de Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l’Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef ;

Vu la requête en sursis à exécution, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco, le 27 mars 2023 sous le numéro TS 2023-08 par laquelle Monsieur M. B. demande à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du 19 janvier 2023 par laquelle Madame le Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité a admis la validité de l’arrêté n° 2021-135 du 16 février 2021 accordant un permis de construire à M. H. J. S. ;

 Vu la requête, enregistrée au Greffe Général le 17 mars 2023 sous le numéro TS 2023-07, par laquelle M. M. B. demande au Tribunal Suprême d’annuler pour excès de pouvoir la même décision ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 27 avril 2023, par laquelle Ministre d’Etat tend au rejet de la requête en sursis à exécution et à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;

Vu les observations, enregistrées au Greffe Général le 2 mai 2023, présentées par Monsieur H. J. S., partie intervenante, bénéficiaire de la décision attaquée ;

Vu la communication de Monsieur le Procureur Général, enregistrée au Greffe Général le 12 mai 2023, par laquelle il indique qu’il ne présentera pas d’observations écrites ;

 

SUR CE,

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 ;

Vu l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême, notamment ses articles 39 et 40 ;

1. Considérant qu’il appartient au juge d’apprécier dans chacun des cas qui lui sont soumis s’il y a lieu d’ordonner, à titre exceptionnel, le sursis à l’exécution de la décision attaquée, faisant ainsi échec au caractère exécutoire des décisions administratives conformément aux articles 39 et 40 de l’Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 ;

2. Considérant que le sursis à exécution est une procédure d’urgence qui suspend un acte, une décision ou une action à titre conservatoire et préventif, sans préjuger nullement du fond, ni lui préjudicier, qui demeure de la compétence exclusive du Tribunal Suprême, juge de l’annulation et, le cas échéant, de la réparation qui peut en résulter ;

3. Considérant que le juge est fondé à accorder un tel sursis lorsque, d’une part, l’exécution de la décision attaquée est de nature à causer au requérant un préjudice grave et difficilement réparable et que, d’autre part, la requête est fondée sur des moyens sérieux ; qu’il lui appartient de tenir compte, dans son appréciation, des circonstances particulières de l’espèce, de la nature des intérêts en présence et de l’impact que l’exécution de la décision attaquée est susceptible d’avoir tant sur la situation du requérant que sur l’environnement urbanistique, économique et social ;

4. Considérant, d’une part, qu’en l’espèce, la décision attaquée permet l’exécution d’une autorisation de construire qui comporte, dans un quartier sensible et significatif de la Principauté, un programme de destruction et de surélévation par rapport aux immeubles d’un ensemble urbain constitué ; qu’en outre, une telle exécution est susceptible d’altérer les conditions d’existence du requérant dont la famille est installée de longue date dans le quartier en cause ; qu’ainsi, la décision attaquée est susceptible, dans les circonstances particulières de l’espèce, de générer un préjudice grave et difficilement réparable dès lors qu’une indemnisation en argent ne pourrait à elle seule réparer les préjudices subis ; qu’enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la suspension du projet, qui n’est pas en cours d’exécution, jusqu’à la décision du juge du fond, prévisible au terme d’un délai raisonnable, serait de nature à porter préjudice à un intérêt public ;

5. Considérant, d’autre part, que les moyens invoqués au soutien de la requête sont suffisamment sérieux en l’état de l’instruction et relèvent de la seule appréciation du juge du fond ;

6. Considérant dès lors que, sans aucunement préjudicier au fond, il est décidé, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, d’octroyer le sursis sollicité ;


ORDONNONS :

Article 1er : Il est sursis à l’exécution de la décision du 19 janvier 2023 du Directeur de la Prospective, de l’Urbanisme et de la Mobilité.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l’Etat.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’Etat.

 

Fait, en notre Cabinet, le 16 mai 2023

 

Le Greffier en Chef, Le Président du Tribunal Suprême,