Décisions

13/03/2023

Communiqué TS 2022-29 du 13 mars 2023 Union des syndicats de Monaco et autre c. Etat de Monaco

Tribunal Suprême

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Décision 2022-29 du 10 mars 2023

Union des syndicats de Monaco et Syndicat des agents de l’Etat et de la Commune

c/ Etat de Monaco

 

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

 

Monaco, le 13 mars 2023

 

Le Tribunal Suprême conforte les droits des fonctionnaires

 

 

Par une décision du 10 mars 2023, le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco a rejeté le recours formé par l’Union des syndicats de Monaco et le Syndicat des agents de l’Etat et de la Commune contre la loi du 7 juillet 2022 modifiant la loi du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires. Si le Tribunal a écarté l’ensemble des critiques des syndicats requérants contre cette importante réforme du statut des fonctionnaires, sa décision comporte l’énoncé de principes ainsi que des interprétations de la loi qui confortent les droits des fonctionnaires dans le sens souhaité par les syndicats requérants.

 

Le 20 septembre 2022, l’Union des syndicats de Monaco et le Syndicat des agents de l’Etat et de la Commune ont demandé au Tribunal Suprême d’annuler l’ensemble de la loi n° 1.527 du 7 juillet 2022 modifiant la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires.

Comme l’autorise l’Ordonnance Souveraine qui régit sa procédure et comme il le fait pour tous les recours relatifs à des lois, le Tribunal Suprême a accéléré la procédure. Une urgence particulière s’attache, en effet, à ce que le Tribunal statue sur une demande d’annulation d’une loi en vigueur en raison de l’atteinte invoquée aux libertés et droits fondamentaux garantis par la Constitution. Le recours a été examiné lors de l’audience du 24 février 2023 et le Tribunal Suprême a rendu sa décision le 10 mars 2023.

Le Tribunal Suprême a écarté les critiques dirigées contre plusieurs dispositions nouvelles du statut des fonctionnaires tout en retenant des interprétations de ces dispositions et en énonçant des principes qui confortent les droits des fonctionnaires en Principauté.

 

Le statut de fonctionnaire réservé aux Monégasques mais des emplois publics qui demeurent accessibles aux ressortissants étrangers

Entérinant une pratique déjà ancienne, la loi du 7 juillet 2022 prévoit désormais que seuls les Monégasques occupant des emplois permanents de l’Etat pourront avoir la qualité de fonctionnaire, à l’exception des étrangers occupant des emplois relatifs à la sécurité et à l’ordre public au sein de la Direction de la Sûreté publique. Pour tous les autres emplois, les ressortissants étrangers seront recrutés en qualité d’agent contractuel de l’Etat.

Les syndicats requérants estimaient que cette loi allait au-delà de la priorité constitutionnelle reconnue aux Monégasques pour l’accession aux emplois publics et privés et méconnaissait ainsi l’article 25 de la Constitution.

Le Tribunal Suprême a écarté cette argumentation dès lors que la loi attaquée n’a ni pour objet, ni pour effet, compte tenu des caractéristiques démographiques de la Principauté, d’interdire l’accès aux emplois publics de personnes n’ayant pas la nationalité monégasque. En revanche, aucune disposition de la Constitution n’interdit au législateur de réserver aux nationaux la qualité de fonctionnaire.

 

Respect de l’égalité et interdiction des discriminations au sein de la fonction publique

La loi du 7 juillet 2022 complète le statut des fonctionnaires pour interdire les discriminations au sein de la fonction publique en raison du genre, des opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales, de l’orientation sexuelle, de l’état de santé, du handicap, de l’apparence physique ou de l’appartenance ethnique. Elle autorise en revanche que des distinctions soient faites entre fonctionnaires en vue de répondre à des « exigences professionnelles essentielles et déterminantes », notamment afin de tenir compte de la nature des fonctions ou des conditions de leur exercice. De telles distinctions sont exceptionnellement permises entre les sexes si elles sont commandées par la nature des fonctions.

Les syndicats estimaient que ces dispositions seraient contraires au principe d’égalité au motif qu’elles seraient incomplètes ou susceptibles de permettre des discriminations prohibées. Le Tribunal Suprême, après avoir précisé l’interprétation à retenir de ces dispositions, a écarté la critique de méconnaissance du principe d’égalité.

Le Tribunal Suprême a estimé que l’interdiction des discriminations énoncée par la loi concerne non seulement la carrière des fonctionnaires mais s’applique également à leur recrutement.

Le Tribunal a également rappelé que le principe constitutionnel d’égalité, qui interdit toute discrimination au sein de la fonction publique, s’impose à l’Administration sans que la loi ait besoin de le rappeler. Dès lors, le fait que certains motifs de discrimination puissent ne pas être mentionnés dans la loi n’est pas contraire à la Constitution.

S’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, le Tribunal Suprême a jugé que le principe d’égalité garanti par l’article 17 de la Constitution implique que les femmes ont vocation à occuper tous les emplois publics dans les mêmes conditions que les hommes, aucune distinction ne pouvant être introduite entre les agents de l’un et de l’autre sexe dans les conditions d’exercice des fonctions correspondant à ces emplois, hormis, toutefois, celles qui sont justifiées soit par les conditions particulières dans lesquelles sont accomplies certaines missions, soit par un motif d’intérêt général.

Plus largement, le Tribunal a estimé que le statut de la fonction publique doit être interprété comme n’autorisant pas que des distinctions soient fondées sur des caractéristiques personnelles sans lien avec la nature des fonctions ou les conditions de leur exercice.

 

Respect des droits de la défense dans les procédures concernant les fonctionnaires

La loi du 7 juillet 2022 prévoit que le fonctionnaire a droit d’obtenir la communication de son dossier individuel avant le prononcé d’une sanction disciplinaire. Par ailleurs, Il a le droit d’avoir accès à son dossier, à l’exception de certaines pièces non consultables dont la liste sera définie par une Ordonnance Souveraine.

Le Tribunal Suprême a écarté les différentes critiques des syndicats tenant à ce que ces dispositions seraient insuffisantes pour garantir les droits de la défense du fonctionnaire.

Il a relevé, tout d’abord, que le principe général des droits de la défense impose déjà et sans que la loi ait besoin de le prévoir que tout fonctionnaire a droit à la communication des pièces de son dossier à l’occasion du prononcé de toute mesure prise en considération de la personne.

Il a précisé, en outre, que le droit d’obtenir communication des pièces de son dossier comporte, pour l’agent concerné, celui d’en prendre copie.

Enfin, il a indiqué que l’Ordonnance Souveraine qui précisera à quelles conditions certaines pièces de son dossier individuel ou parties de celles-ci ne sont pas consultables par le fonctionnaire concerné devra fixer des critères objectifs dans le respect du principe constitutionnel des droits de la défense. Cette Ordonnance Souveraine pourra être contestée devant le Tribunal Suprême.