Décisions

05/07/2021

Communiqué TS 2020-08 SCI KIKA c/ Etat de Monaco

Tribunal Suprême

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Le Tribunal Suprême juge que la présomption de responsabilité des dettes d’une société pesant sur ses dirigeants n’est pas contraire à la Constitution

Par une décision du 11 juin 2021, qui vient d’être publiée, le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco a déclaré conforme à la Constitution l’article 560 du code de commerce qui institue une présomption de responsabilité, pesant sur les dirigeants d’une société en cessation de paiements, d’assurer le comblement du passif.

Cette disposition prévoit, en effet, que lorsqu’à la suite d’un jugement constatant la cessation des paiements d’une personne morale, il apparait que l’actif est insuffisant pour faire face au passif, le tribunal peut décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par les dirigeants, sauf pour ceux-ci à justifier qu’ils ont apporté à la gestion toute l’activité et la diligence convenables.

À l’occasion d’un litige devant le Tribunal de première instance opposant le syndic chargé de procéder à la liquidation judiciaire d’une société anonyme à ses anciens gérants, ces derniers avaient soulevé le moyen tiré de la méconnaissance par l’article 560 du code de commerce des droits et libertés garantis par la Constitution. Par un jugement du 9 janvier 2020, le Tribunal de première instance a sursis à statuer pour permettre aux anciens gérants de demander au Tribunal Suprême de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 560 du code de commerce conformément à la compétence que lui réserve l’article 90 de la Constitution en matière d’appréciation de la constitutionalité d’une disposition législative en vigueur ou de la légalité d’un acte administratif applicable dans un litige civil ou pénal.

En premier lieu, le Tribunal Suprême a précisé, dans sa décision, que le droit à un recours juridictionnel effectif est, comme le principe de sécurité juridique, inhérent à l’affirmation constitutionnelle de la Principauté de Monaco en tant qu’Etat de droit. En effet, le respect de ce droit participe à la garantie des droits fondamentaux consacrés par le titre III de la Constitution. Le droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif implique le respect des droits de la défense et le droit à l’exécution des décisions de justice.

En second lieu, le Tribunal Suprême a jugé que l’article 560 du code de commerce ne méconnaît pas les droits de la défense et le principe d’égalité devant la justice garantis par la Constitution après avoir relevé que :

  • Cette disposition répond à un motif d’intérêt général dès lors que le législateur a entendu assurer le règlement effectif des dettes sociales.
  • La présomption instituée par cette disposition est « réfragable » en ce sens que le dirigeant social peut échapper à la présomption de responsabilité en justifiant devant le juge que par son comportement et sa gestion, il a apporté toute l’activité et la diligence convenables dans l’intérêt de la personne morale.
  • Il lui est loisible de demander au juge d’ordonner la communication de pièces détenues par l’autre partie afin d’assurer sa défense.
  • Au demeurant, le juge a toujours la faculté, au regard des circonstances de l’espèce, d’exonérer le dirigeant, en tout ou partie, de l’obligation d’assurer le comblement du passif.

Il peut être rappelé que, par un arrêt du 4 décembre 2018, la Cour d’appel a estimé que l’article 560 du code de commerce n’était pas contraire à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les appréciations du Tribunal Suprême et de la Cour d’appel concernant la conformité de cette disposition législative aux droits et libertés sont ainsi pleinement convergentes.