29/06/2020
Communiqué TS 2019-12 Société JC DECAUX MONACO c/ Etat de Monaco
Tribunal Suprême
Le Tribunal Suprême prononce une décision d’annulation du choix du prestataire des abri-voyageurs connectés dont les effets sont limités
Par une décision du 25 juin 2020, le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco a décidé d’annuler les décisions du Gouvernement retenant la proposition de la société CLEAR CHANNEL et rejetant celle de la société JC DECAUX MONACO pour l’installation d’abri-voyageurs connectés en raison de l’illégalité formelle dont elles sont entachées. Il a estimé qu’une telle annulation n’aurait pas, par elle-même, d’effet manifestement excessif sur la sauvegarde de l’intérêt général.
Dans le cadre du programme Smart City mis en œuvre par la Direction interministérielle chargée du développement numérique, l’Etat a engagé en 2018 une consultation pour le remplacement des abri-voyageurs existants par des abri-voyageurs connectés. Il a sollicité deux sociétés spécialisées, la société JC DECAUX MONACO et la société CLEAR CHANNEL.
Après des pourparlers informels ayant abouti à de premières propositions de la part de ces deux sociétés, la Direction de l’Aménagement Urbain leur a rappelé les conditions techniques qui devaient être respectées et leur a demandé de confirmer leur proposition.
À la suite de la réception des propositions des deux sociétés, la Direction de l’Aménagement Urbain a informé la société JC DECAUX MONACO que sa proposition n’avait pas été retenue.
Postérieurement, l’Etat a signé avec la société choisie une convention par laquelle cette dernière s’engage à fournir et à installer sur le domaine public les mobiliers urbains et les équipements de diffusion numérique ainsi qu’à en assurer la maintenance. Cette convention vaut autorisation d’occupation précaire du domaine public par les mobiliers urbains en contrepartie du versement par la société CLEAR CHANNEL d’une redevance à l’Etat.
Cette société a également conclu avec la Commune de Monaco une convention par laquelle la société, en contrepartie du versement d’une redevance à la Commune, est autorisée à exploiter, sous forme de concession de régie publicitaire, le réseau des panneaux d’affichage papier ou numérique des abri-voyageurs de la Principauté.
Enfin, l’Etat, la Commune et la société CLEAR CHANNEL ont signé une convention tripartite de partenariat.
La société JC DECAUX MONACO a saisi le Tribunal Suprême d’un recours tendant, d’une part, à l’annulation des décisions rejetant sa proposition et retenant celle de la société CLEAR CHANNEL, d’autre part, à l’indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi de ce fait, estimé à 2.101.902 euros.
1 – L’illégalité des décisions attaquées
Par une décision du 5 mars 2020, le Tribunal Suprême a jugé illégales les décisions du Gouvernement retenant la proposition de la société CLEAR CHANNEL et rejetant celle de la société JC DECAUX MONACO pour l’installation d’abri-voyageurs connectés. Il a estimé que ces décisions étaient insuffisamment motivées, en méconnaissance de l’obligation posée par la loi du 29 juin 2006. En revanche, il a écarté tous les autres griefs de la société JC DECAUX dirigés contre la procédure de mise en concurrence. Au vu des pièces qui lui étaient fournies, le Tribunal Suprême a estimé notamment que l’Etat n’avait pas méconnu le principe d’égal accès des candidats mis en concurrence par l’administration, le principe de sécurité juridique et le principe d’impartialité de l’administration.
L’illégalité des décisions constatée par le Tribunal Suprême doit, en principe, conduire à leur annulation. Il revient toutefois au Tribunal de prendre en considération les effets d’une telle annulation tant pour la sauvegarde de l’intérêt général que pour l’effectivité des droits des justiciables et, le cas échéant, d’en limiter les effets qui apparaîtraient manifestement excessifs.
Le Tribunal Suprême a décidé d’ordonner une mesure d’instruction pour sa complète information et de reporter sa décision sur les demandes d’annulation et d’indemnisation. Il a ainsi prescrit que lui soient présentées avant le 20 mars 2020 les observations de l’État et de la société requérante sur les effets de l’annulation susceptible d’être prononcée sur les intérêts publics et privés en présence, notamment les conséquences sur les conventions conclues postérieurement par l’Etat, la Commune de Monaco et la société CLEAR CHANNEL ainsi que sur les installations en cause.
Les parties ont produit leurs observations dans le délai imparti.
2 – L’annulation prononcée et ses conséquences
Par sa décision du 25 juin 2020, le Tribunal Suprême a constaté que l’annulation des décisions attaquées n’était pas susceptible d’avoir une incidence directe sur les contrats conclus par la société CLEAR CHANNEL, l’Etat et la Commune et n’était donc pas de nature à avoir des effets manifestement excessifs pour la sauvegarde de l’intérêt général.
Si le Tribunal Suprême a décidé d’annuler les décisions attaquées en raison de leur illégalité, sa décision n’a ainsi pas pour effet de remettre en cause la validité des contrats signés et ne fait pas obstacle à l’exécution des prestations relatives aux abri-voyageurs et aux autres mobiliers urbains.
Il appartient à l’administration de tirer les conséquences de cette annulation et de l’unique motif qui la fonde, le défaut de motivation des décisions attaquées. Sans avoir à organiser une nouvelle mise en concurrence, l’administration pourra notamment se prononcer à nouveau sur les offres des deux sociétés par des décisions cette fois suffisamment motivées et pourvues d’un effet rétroactif.
3 – La comparaison des offres des deux sociétés et le rejet de la demande indemnitaire
Le Tribunal Suprême a jugé que la société JC DECAUX MONACO ne pouvait obtenir aucune indemnisation en raison de l’illégalité des décisions attaquées. En effet, il ressort des pièces du dossier soumis au Tribunal que la société JC DECAUX MONACO n’avait pas de chance sérieuse de se voir attribuer le projet de renouvellement des abri-voyageurs dès lors que l’offre de la société CLEAR CHANNEL était globalement supérieure à la sienne. En particulier, le Tribunal Suprême a relevé que la société CLEAR CHANNEL proposait d’installer un nombre d’abri-voyageurs connectés très supérieur à celui envisagé par la société requérante, que ses installations devaient être pourvues d’un nombre plus important de ports USB et d’une connectivité 5G, que le montant de la redevance annuelle minimale garantie prévu par la société CLEAR CHANNEL était supérieur à celui prévu par la société requérante et que la proposition de la société CLEAR CHANNEL prévoyait, en outre, la cession gracieuse des mobiliers au terme du contrat.