Décisions

06/11/2020

Communiqué TS 2019-10 SAM TAURUS INVEST c/ Etat de Monaco

Tribunal Suprême

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Le Tribunal Suprême assure la protection du principe d’égalité devant la justice et veille à l’effectivité du droit au recours

Par une décision du 13 octobre 2020, le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco a déclaré que le 2° de l’article 852 du code de procédure civile méconnaît le principe d’égalité devant la justice garanti par l’article 17 de la Constitution.

Par un jugement du 31 janvier 2019, le Tribunal de première instance a sursis à statuer pour permettre à la société TAURUS INVEST de demander au Tribunal Suprême de se prononcer sur la constitutionnalité de l’article 852 du code de procédure civile, conformément à la compétence que lui réserve l’article 90 de la Constitution en matière d’appréciation de la constitutionalité d’une disposition législative en vigueur ou de la légalité d’un acte administratif applicable dans un litige civil ou pénal.

En vertu de l’article 851 du code de procédure civile, le président du Tribunal de première instance ou un autre juge peut ordonner sur requête certaines mesures qui nécessitent qu’elles soient prises sans débat contradictoire préalable. L’article 852 du même code ne permet de se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête que dans les cas suivants :

1° Lorsque cette voie de recours est expressément autorisée par la loi ;

2° Lorsque, en l’absence d’une prohibition légale, elle aura été formellement réservée par l’ordonnance du juge.

Les dispositions de l’article 852 du code de procédure civile datent de 1896 et n’ont pas été modifiées depuis lors. La société TAURUS INVEST a critiqué la constitutionnalité des dispositions du 2° de l’article 852 en faisant valoir que, selon que le juge en aura ou non réservé la faculté dans son ordonnance sur requête, le tiers concerné par les mesures ordonnées pourra ou non se pourvoir en référé.

Dans sa décision du 13 octobre 2020, le Tribunal Suprême a jugé qu’en conférant ainsi au juge le pouvoir, sans conditions, de faire obstacle au recours du tiers en rétractation pour introduire le contradictoire dans une procédure qui en était dépourvue, le 2° de l’article 852 du code de procédure civile méconnaît le principe d’égalité devant la justice qui découle du principe d’égalité devant la loi, et, par suite, est contraire à l’article 17 de la Constitution.

La décision du Tribunal Suprême, rendue sur un recours en appréciation de validité et non sur un recours en annulation, n’a pas pour effet de faire disparaître de l’ordre juridique le 2° de l’article 852 du code de procédure civile. Dès lors, il revient aux juridictions civiles de tirer les conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par le Tribunal Suprême dans toute affaire dans laquelle elles auraient à faire application de ces dispositions.

Le Tribunal Suprême se borne ici à attirer l’attention sur la portée de sa décision. En effet, l’inconstitutionnalité qu’il a constatée réside dans le caractère inconditionnel de la faculté laissée au juge de faire obstacle à l’exercice d’un pourvoi contre l’ordonnance sur requête qu’il rend.

Ainsi, la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée ne vise nullement l’ouverture du référé lorsque le juge réserve cette voie de recours dans sa décision ; la décision du Tribunal ne saurait donc être interprétée comme conduisant à interdire, en toutes hypothèses, de se pourvoir en référé contre une ordonnance rendue sur le fondement de l’article 851 du code de procédure civile.

Au contraire, il y a lieu de considérer que, pour garantir le principe d’égalité devant la justice qui fonde la déclaration d’inconstitutionnalité et dans l’attente d’une intervention du législateur conforme aux exigences constitutionnelles, il ne devrait plus être fait usage de la faculté, ouverte par l’article 852, de faire obstacle à l’exercice de cette voie de recours.