19/06/2018
Communiqué TS 2017-13 et 2018-01 M. M. A. c/ ÉTAT DE MONACO
Tribunal Suprême
Le Tribunal Suprême statue sur la protection constitutionnelle de la priorité des Monégasques à l’emploi et l’impartialité des procédures de mise en œuvre des critères définis par l’administration pour la délivrance d’autorisations professionnelles
Le régime juridique applicable aux autorisations d’exercice de la profession d’expert-comptable en Principauté (loi n° 1.231 du 12 juillet 2000) illustre cet aspect fondamental de l’identité constitutionnelle monégasque que constitue la priorité reconnue aux Monégasques, notamment en matière d’emploi (V. art. 25 et 32 de la Constitution). C’est ce que le Tribunal Suprême a souligné à l’occasion de cette affaire où neuf professionnels remplissant toutes les conditions fixées par la loi n° 1.231 (être de nationalité monégasque ou justifier d’attaches sérieuses avec la Principauté et y avoir son domicile ; jouir de ses droits civils ; offrir toutes garanties de moralité professionnelle ; être titulaire d’un diplôme d’expert-comptable) sollicitaient cette autorisation alors que le nombre d’autorisations légalement susceptibles d’être délivrées n’était que de trois ; il fallait donc départager ces « candidats ». À cet effet, l’administration, en concertation avec l’ordre des experts-comptables, a défini en 2015 différents critères, principalement relatifs aux « attaches sérieuses » avec la Principauté, y compris professionnelles, pour choisir les bénéficiaires des autorisations conformément aux principes définis par le législateur.
Le Tribunal Suprême a d’abord reconnu dans ces critères le procédé dénommé « lignes directrices » dans le pays voisin et a précisé les conditions dans lesquelles l’administration monégasque peut légalement y recourir pour départager les candidats à une autorisation qui réunissent tous les conditions légales pour y prétendre. Il a ensuite validé les « lignes directrices » élaborées en 2015 en soulignant qu’elles s’inscrivent bien dans le cadre des principes constitutionnels de priorité aux monégasques et de leur déclinaison dans la loi n° 1.231 ; au cas d’espèce, le seul demandeur ayant la nationalité monégasque et remplissant par ailleurs tous les critères mentionnés dans ces « lignes directrices » a été considéré comme prioritaire par l’administration tandis qu’un autre demandeur, justifiant à la fois d’attaches anciennes et sérieuses, tant professionnelles que personnelles avec la Principauté, a aussi obtenu l’autorisation sollicitée. Le Tribunal Suprême, dont le rôle n’est pas de substituer son appréciation à celle du Ministre d’État mais seulement de vérifier si son appréciation n’est pas « manifestement erronée », a donc approuvé tant le dispositif que sa mise en œuvre par l’administration sur ces deux demandes.
En revanche, il a dû annuler l’autorisation délivrée au troisième bénéficiaire pour un motif qui n’a rien à voir avec le principe de la priorité aux Monégasques ou les « lignes directrices » : rappelant le principe d’impartialité qui s’impose dans toute procédure administrative, il a été conduit à relever que ne pouvait pas légalement siéger dans la commission consultative qui a donné son avis sur la demande de ce troisième candidat un expert-comptable avec qui il était déjà associé depuis plusieurs mois. L’autorisation qui lui a été délivrée a donc été annulée pour vice de procédure.
Quant au candidat qui avait attaqué ces trois autorisations en même temps que le rejet de sa propre demande, l’annulation pour vice de procédure de son troisième concurrent lui a permis d’obtenir l’annulation du rejet de sa candidature mais non l‘autorisation qu’il sollicite depuis de nombreuses années : comme le Tribunal Suprême n’est pas chargé de choisir les experts-comptables mais seulement de vérifier si les conditions dans lesquelles ils ont été choisis sont légales, il appartient désormais au Ministre d’État de réexaminer sa demande en même temps que toutes celles qui sont en attente, y compris, bien entendu, celle qui a débouché sur l’autorisation annulée par le Tribunal Suprême.