30/06/2017
Communiqué TS 2016-12 Association monégasque pour le culte des témoins de Jéhovah et M. j-p. G. c/ État de Monaco
Par une décision du 30 juin 2017, le Tribunal Suprême a annulé pour insuffisance de motivation la décision administrative par laquelle le Ministre d’État avait refusé de délivrer le récépissé de déclaration de l’Association monégasque pour le culte des témoins de Jehovah.
Il convient de rappeler que l’article 30 de la Constitution monégasque prévoit que « la liberté d’association est garantie dans le cadre des lois qui la réglementent » et qu’il existe en effet une loi qui réglemente les associations, la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008. Le principe posé par cette loi est que toute association peut se constituer librement, sans autorisation administrative préalable, et même sans être obligée de déclarer son existence à l’administration. Toutefois, comme dans d’autres pays, la loi monégasque prévoit que les associations qui veulent être dotées de la personnalité morale, ce qui leur permet notamment de posséder des biens ou d’employer du personnel, doivent déposer une déclaration à cet effet et que le Ministre d’État lui délivre alors un « récépissé » de cette déclaration, document nécessaire à l’existence de la personnalité juridique souhaitée par l’association ; ce dispositif permet à l’administration de connaître les associations les plus importantes et donc de veiller à ce qu’elles n’aient pas d’activités illicites (comme par exemple de type « sectaire » au sens précisément défini par l’article 6 de la loi n° 1.355), ou susceptibles de compromettre l’ordre public. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une simple « déclaration », l’article 7 de la loi n° 1.355 permet au Ministre d’État de refuser de délivrer ce récépissé, à condition que ce refus soit « motivé et notifié au déclarant par lettre recommandée avec avis de réception dans le délai de vingt jours » .
En l’espèce, le Ministre d’État a refusé de délivrer le récépissé de l’Association monégasque pour le culte des témoins de Jehovah en considérant qu’il était fondé « à nourrir un doute sérieux et légitime quant au caractère sectaire du culte des témoins de Jéhovah que ladite association aurait vocation à représenter à Monaco, ainsi qu’aux atteintes à l’ordre public que l’activité déployée par ses membres pourrait générer en Principauté ».
Le Tribunal Suprême a rappelé que la liberté d’association bénéficie à Monaco d’une garantie juridique particulièrement forte (une « protection constitutionnelle et légale ») et il en a conclu qu’une telle motivation est trop vague : un refus de délivrance du récépissé doit mentionner des faits précis et circonstanciés permettant d’étayer l’affirmation, par le Ministre d’État, du caractère illicite des activités de l’association ou des risques d’atteintes à l’ordre public que ces activités pourraient générer.
Aux principes ainsi posés par le Tribunal Suprême, il convient d’ajouter les deux précisions suivantes. La première est qu’un refus de délivrance du récépissé de déclaration dûment motivé n’est pas nécessairement légal : il appartient alors au Tribunal Suprême de vérifier la légalité, en fait et en droit, des motifs mentionnés dans la décision de refus. La seconde est qu’il n’a pas été nécessaire, pour le Tribunal Suprême, de se prononcer sur les autres motifs d’illégalité invoqués par l’Association monégasque pour le culte des témoins de Jehovah, en particulier le grief de violation de la liberté des cultes, garantie par l’article 23 de la Constitution et par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ; il lui a suffi de se référer au régime juridique des associations qui peuvent, certes, correspondre à des groupements à objet religieux, mais dont le champ d’application est évidemment beaucoup plus large.