Décisions

11/06/2003

Décision Commune de Monaco c/ Ministre d’État

Tribunal Suprême

Monaco
11 juin 2003
Commune de Monaco
c/ Ministre d'État

Abstract

Compétence
Contentieux administratif – Recours en annulation – Acte réglementaire.
Fonctionnaires et agents publics
Fonctionnaires de la Commune – Droits et obligations – Rémunération – Classement dans l’échelle indiciaire – Compétence du Conseiller de Gouvernement pour l’Intérieur (non) – Compétence du Ministre d’État (non).
Recours pour excès de pouvoir
Décision de classement d’une catégorie de fonctionnaires de la Commune – Décision illégale (oui).

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête enregistrée le 20 décembre 2002, par laquelle la Commune de Monaco a déféré au Tribunal Suprême, aux fins d’annulation, la décision du 30 janvier 2002 du Gouvernement Princier classant les chargés de mission de la Commune de Monaco, dans l’échelle des chefs de services municipaux, et la décision implicite du Ministre d’État rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;

Ce faire :

Attendu que par lettre du 29 avril 2002, le Ministre d’État a informé le Maire de Monaco que, par une délibération du 30 janvier 2002 , « le Gouvernement a décidé que les chargés de mission de la Commune devaient être classés dans l’échelle des chefs de services municipaux, considérant qu’ils n’exercent pas des responsabilités supérieures à celles de leurs collègues en charge d’un service administratif de la Mairie… » ;

Que, par lettre du 21 juin 2002, le Maire de Monaco a demandé au Ministre d’État d’annuler cette délibération ; que cette demande étant restée sans réponse, il en est résulté une décision implicite de rejet ;

Que la décision attaquée est entachée d’un vice de procédure tenant à l’absence de consultation du conseil communal, alors que l’ article de la loi du 24 juillet 1974 sur l’organisation communale impose cette consultation au sujet du « classement hiérarchique des grades ou emplois des fonctionnaires ou agents de la commune et de la détermination des échelles indiciaires des traitements afférents auxdits grades ou emplois » ;

Au fond, que la décision attaquée ne repose sur aucun motif d’intérêt général ; qu’elle est entachée d’erreur de droit tenant à une discrimination injustifiée entre chargés de mission, chefs de service et chefs de division, d’inexactitude de fait concernant les fonctions des chargés de mission, et enfin d’erreur manifeste d’appréciation ;

Vu la contre-requête enregistrée le 24 février 2003, par laquelle le Ministre d’État conclut au rejet de la requête au motif que le moyen tiré du vice de procédure est inopérant, la consultation du conseil municipal n’étant pas une formalité substantielle dès lors que c’est à la demande de la commune que le Gouvernement a été amené à approuver le reclassement des chefs de service municipaux et à prendre position sur le cas des chargés de mission ; que la décision attaquée n’a pas violé le principe d’égalité, n’est entachée ni d’erreur de droit ni d’erreur de fait, qu’elle a été prise dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement ;

Vu la réplique enregistrée le 25 mars 2003 par laquelle la Commune de Monaco persiste en ses conclusions pour les motifs déjà exposés dans la requête auxquels s’ajoute la décision rendue par le Tribunal Suprême le 12 mars 2003 dans l’affaire 2002/9 ;

Vu la duplique enregistrée le 17 avril 2003 par laquelle le Ministre d’État conclut de nouveau au rejet de la requête, ajoutant aux motifs déjà exposés dans la contre-requête que la décision du Tribunal Suprême du 12 mars 2003 concerne exclusivement une mesure individuelle portant sur le classement d’un chargé de mission et n’est pas transposable aux décisions réglementaires qui, comme en l’occurrence, sont prises par le Conseil de gouvernement pour déterminer les échelles indiciaires, de telles décisions relevant de sa compétence, « ce dont atteste notamment le fait que la délibération contestée du 30 janvier 2002 ne fait que modifier l’ancienne grille indiciaire établie par délibération du Conseil de Gouvernement en date du 15 mars 1973 » ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la loi 959 du 24 juillet 1974 sur l’organisation communale ;

Vu la loi 1096 du 7 août 1986 portant statut des fonctionnaires de la commune ;

Vu la Constitution et notamment son article 90 B 1° ;

Vu l’ Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l’organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l’ ordonnance du 30 avril 2003 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l’audience du 11 juin 2003 ;

Ouï M. Pierre Delvolvé, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Leandri et Maître Defrénois pour la Commune de Monaco ;

Ouï Maître Karczac-Mencarelli et Maître Molinié pour le Ministre d’État ;

Ouï M. le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que l’ article de la loi du 7 août 1986 portant statut des fonctionnaires de la Commune dispose : « les différents grades et emplois de l’administration communale sont classés hiérarchiquement dans les échelles indiciaires de traitements. Ces échelles… sont établies par une Ordonnance souveraine prise après l’avis de la commission de la fonction communale et la consultation du conseil communal prévue par la loi sur l’organisation communale » ;

Considérant que le Conseil de gouvernement et le Ministre d’État ne tenaient de ces dispositions ni d’aucune autre, compétence pour classer les chargés de mission de la Commune dans l’échelle des chefs de services municipaux ;

Considérant que la Commune de Monaco est, par suite, fondée à demander l’annulation des décisions attaquées ;

Décide :

Article 1er : – La décision du Conseil de gouvernement du 30 janvier 2002 classant les chargés de mission de la Commune de Monaco dans l’échelle des chefs de services municipaux, ensemble la décision implicite du Ministre d’État rejetant le recours gracieux contre cette décision sont annulées.

Article 2 : – Les dépens sont mis à la charge de l’État.

Article 3 : – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d’État.